Doctor Strange et le Multivers fou, fou, fou
Dès l’annonce de Doctor Strange in the Multiverse of Madness en 2019, le réalisateur du premier volet, Scott Derrickson déclarait vouloir faire du pied au cinéma d’horreur en adoptant une tonalité plus gothique ou horrifique pour reprendre ses mots. Comment cependant faire cohabiter un tel film dans un univers aussi bien lisse et consensuel que celui du Marvel Cinematic Universe ?
Difficile d’y croire encore quand Derrickson finit par claquer la porte du studio pendant la production, évoquant des “différents créatifs”, expression souvent utilisée pour évoquer le ligotage des grands studios face aux envies créatives des artistes. Plus encore, Kevin Feige, Saint Patron des écuries Marvel Studios pris le parti d’adoucir les attentes, qualifiant d’avantage le long-métrage de “film ayant quelques séquences apeurantes” plutôt que d’employer le mot horreur.
Seulement, voilà, la personne appelée à la barre pour diriger le film n’est d’autre que Sam Raimi, connu d’une part pour son apport considérable au cinéma d’horreur (avec en tête de proue la trilogie Evil Dead), mais également pour avoir été pionnier du cinéma de super-héros avec la première trilogie consacrée à Spider-Man. Mieux encore, il a déjà montré sa maîtrise des deux sujets avec le film Darkman, qui lorgne du côté de ces deux genres (si tant est que le cinéma de super-héros puisse être considéré comme un genre, mais c’est une autre question…).
La grande question est de savoir si oui ou non il allait ici bénéficier de suffisamment de souplesses pour s’exprimer, où s’il allait devoir se conformer au cahier des charges habituel de la maison.
Sans trop en dire, la promesse d’un lien avec le multivers est tenue dès les premières minutes du film. Son intrigue se concentre en effet sur l’existence de réalités alternatives où seront amenés à se balader le fameux Docteur Stephen Strange (Benedict Cumberbatch), accompagné par la jeune America Chavez (Xochitl Gomez), nouvelle recrue du MCU.
Tout repose sur des personnages dont le soin accordé à l’écriture rend leur évolution convaincante. Avec en tête un Dr. Strange rongé par le deuil de sa relation avec Christine (Rachel McAdams), et surtout le personnage joué par Elizabeth Olsen, bien plus Sorcière Rouge que Wanda Maximoff, qui subit ici la conséquence des évènements de WandaVision (dont le VisionNage est bel est bien nécessaire). La jeune America arrive à créer une belle alchimie avec le Docteur qui devient ici une forme de mentor, mais n’a malheureusement pas suffisamment de place dans le récit pour dépasser le syndrome du personnage fonction.
Comme dans la série d’animation What If…? Le voyage multiversel est prétexte aux clins d’œils et références. Pourtant ici, ces éléments sont amenés avec une certaine finesse, qui relève d’avantage de généreuses surprises, souvent très ludiques, que des réécritures fallacieuses de personnages du passé comme nous avons pu le voir précédemment.
Le script brille également par une bonne balance en matière d’humour, la cape de Strange, (lointaine cousine du tapis d’Aladdin) ne vient plus ponctuer chaque scène d’un gag lourdaud, et Wong dépasse sa dimension de “comic relief”, le personnage ayant désormais son lot d’instants épiques. De manière générale et aux antipodes des habitudes du studio, le scénario laisse les émotions et la gravitas se dégager de ses scènes les plus intenses, sans désamorce intempestive, nous sommes réellement pris et impliqués par les enjeux.
Malgré quelques lignes de dialogues un peu maladroites pour ne pas perdre complètement les spectateurices, nous n’avons pas eu le sentiment d’être tenus par la main ou de baigner dans des monologues sur-explicatifs, montrer plutôt que dire (“show, don’t tell”) prend ici tout son sens.
Car en effet, si ce film se démarque, c’est bien par sa tonalité et son esthétique. Il n’est pas inopportun de penser que ceux deux axes ont été apportés par Sam Raimi, qui semble, selon les quelques interviews donnés et ce qu’il dégage du film, avoir pris un plaisir fou à travailler sur ce dernier.
La tonalité horrifique apportée a bien de quoi surprendre les fans moyens de la franchise, tant le film ose prendre des directions surprenamment angoissantes et même violentes par moments, où à d’autres faisant appel à des codes purement repris de l’horreur. Parfois même, en s’appuyant sur la filmographie du réalisateur. Nous nous retenons de détailler ces scènes pour ne gâcher aucune surprise, mais celles-ci insufflent à Doctor Strange in the Multiverse of Madness, un souffle authentique, un supplément d’âme qui l’élève, non pas comme une suite de plus, mais comme un œuvre à part entière.
Tant dans la liberté que donne l’exploration du multivers, que dans l’expression des pouvoirs des personnages, les idées fusent. Le cinéaste transcende les possibilités offertes par le scénario dans une constante recherche de singularité. Loin de se contenter du strict nécessaire, il s’empare de la caméra pour narrer le récit avec son propre prisme visuel. Dans la continuité de ce qu’ont pu faire Chloé Zhao et sa photographie, ou sa faculté à filmer l’intime dans les Éternels, avec toutefois une plus grande flexibilité. Là où nous avons ressenti cette dernière cloisonnée par un scénario qui devait rattraper chaque respiration par une scène d’action où un gag, Raimi est aidé par un scénario qui lui permet de se déployer à son gré.
L’essai est transformé par Marvel Studios pour leur premier film de l’année. Il fait clairement partie du haut du panier (qui comptera déjà 30 films d’ici la fin d’année) grâce à la liberté accordée à son réalisateur. Le film regorge de belles idées, tant dans la mise en scène que dans le dosage de son écriture, et a le mérite d’apporter un œil nouveau sur la franchise. Si Doctor Strange in the Multiverse of Madness n’est pas à proprement parler un film d’horreur, les efforts faits pour s’en rapprocher sont à saluer et nous laissent espérer que le studio continuera à tenter de nouvelles choses et à aller dans de nouvelles directions, au moins aussi surprenantes que celle-ci.
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