ROSENN : tourné à la Réunion, en salle à partir du 11 octobre.
Rosenn
C'est l'histoire de la rencontre passionnelle entre un célèbre écrivain anglais,Lewis Lafoly, la quarantaine élégante en lassitude et une jeune femme lumineuse, Rosenn Auroch', sur l'île Bourbon, dans l'océan indien, en 1909...
Et toujours la même chanson d'un être brillant et drôle, joli penseur et beau parleur qui se révèle d'une "magnifique veulerie " dans la sphère intime...
Opposer la force de compassion comme seule armure...
Entretien avec Yvan Le Moine
A propos de Rosenn....
La genèse de ce film s'inscrit dans la lignée d’un S(c)eptique (ce choix d’un nom générique suinte le doute comme un clin d’œil aux diptyques, trilogies et autres décalogues de certains confrères)
que j’ai entrepris il y a une quinzaine d’années avec « les sept péchés capitaux » .
Il illustre ici avec Rosenn , l’envie, et fait suite au Nain rouge qui portait la colère
quand Vendredi ou un autre jour déclinait l'orgueil.
Rosenn raconte l’histoire d'un écrivain en lassitude qui fait villégiature sur une île de l’océan indien
pour se reposer d’une vie citadine étirée en vaines mondanités. Il séduit une jeune fille lumineuse par quelques mensonges formidablement sincères au départ et finit par tomber véritablement en amour devant tant de grâce !
Évidemment quand il apprend qu'il va devenir père, il prend la fuite…
Au-delà de l'histoire d'apparence classique tant dans sa forme qu’en contenu, Rosenn souligne une constante : celle d’une réelle dichotomie entre les actes et les discours éclairés d'une personne qui se meut dans la sphère publique pour mieux cacher l’obscurantisme de sa vie privée (illustrée ici par le personnage de Lewis Lafoly). Un être aux discours brillants et plein d'humour en société qui se retrouve lâche et pitoyable dans l’intimité. Les idées libérales aux reflets contraires des décisions privées…
J'avais en écho l'affaire DSK quand j'écrivais les dernières versions du scénario. Souvent en effet les indignations collectives sont plus « faciles » à porter que les examens personnels. Dénoncer les agissements du collectif permet aussi de fuir les zones d'ombre de ses propres turpitudes. Mon travail à toujours été de sonder la nature humaine avant de l’ouvrir aux responsabilités sociétales (les autres c’est nous et leurs travers sont nos propres défauts…). Alors combattre sans cesse les idées reçues, les postures de bienséance et les dogmes creux….
On est donc ici dans une histoire plus universelle qu'il n’y parait et loin d’une simple romance en trio amoureux. Pourtant dans sa forme Rosenn est à contre-courant d'un certain cinéma réalité
en vogue dans la nouvelle « nouvelle vague française » Il est sans doute aussi moins accrocheur,
et moins fantasmatique que mes précédents films. Mais il est aussi plus vrai, plus profond,
plus simple...Sans jamais, j’espère, être mièvre.
A propos des personnages....
Le personnage de Rosenn est une belle âme lumineuse, c'est une femme sincère et droite qui est paisible avec elle-même. Si elle a été trompée, elle garde une véritable force d'innocence et de compassion. Et sa seule révolte sera de frapper avec rage le corps de Lewis Lafoly quand il meurt sans lui avoir donné les clefs pour retrouver ce qu’elle attend. Pour autant elle n'est jamais dans le sacrifice.
Mon objectif était d'en faire un personnage plus fort que toutes les modernités d'apparences
et qui dégaine toujours « des allers de l’avant généreux » plutôt que des colères ou des vengeances en réponse aux déceptions, douleurs et désillusions qui l’assaillent. Peut-être cette force que nous recherchons tous quelque part dans une quête du zen finalement très New-Age !
Mon choix s'est porté sur Hande Kodja pour interpréter Rosenn car la simplicité de son visage illustre sa beauté intérieure et la douceur du personnage, sans pour autant en faire un être naïf.
Sa présence à l'écran est forte, tout en intériorité. Son jeu est plus dans l'être que dans le paraître. Hande n'a jamais été dans la séduction consensuelle, attitude que certaines actrices peuvent avoir avec leur « entourage ». Elle est intelligente et intègre et sa propre intégrité s’est confondue magiquement à Rosenn.
Le personnage de Lewis Lafoly est drôle et brillant, joli penseur et beau parleur mais qui s'avère être une magnifique « ordure » dans la sphère intime. Son amour pour Rosenn est pourtant sincère aux premières heures mais la superbe force morale de Rosenn finit aussi par l’effrayer.
Il n’est pas capable de s’y mesurer et préfère fuir la relation qui le met face à ses propres lâchetés. Il choisit de garder le seul souvenir de la passion juvénile mais vivre et aimer au quotidien en adulte responsable, il en est bien incapable, pas plus qu'avec sa propre épouse qui semblable à Rosenn a dû beaucoup et toujours lui pardonner ses nombreuses infidélités.
Je devais faire le film avec Willem Dafoe, mais il reportait sans cesse le tournage à cause d’une pièce de Bob Wilsonn qui se prolongeait toujours. Quand on m'a dit qu'il y avait une possibilité d’embarquer Rupert Everett dans l’aventure, j'ai regardé tous ses films et apprécié beaucoup
de ses rôles, j'ai également vu certaines interviews où son intelligence et sa manière d'être m'a plu et correspondait au personnage. Il m'a par ailleurs beaucoup aidé à porter le projet à bon port,
tout en acceptant de jouer en français dans une langue qui n'est pas la sienne…
A propos du tournage à l'île de la Réunion....
C'est une île que je connais bien car j'y avais déjà tourné Vendredi ou un autre jour. L'accueil y est toujours aussi généreux, les équipes là-bas ressemblent aux équipes belges, faites de bel artisanat et d’humilité. Le film devait se faire en Bretagne mais je n'ai pas reçu l'aide au tournage de cette région. La Réunion offrait des paysages semblables et au-delà même dans son coté sauvage.
Le fait de tourner là-bas a permis d'introduire également un regard social qui m'intéressait particulièrement après « vendredi ou un autre jour » : le rapport aux noirs aux premiers temps de l’abolition…
Malgré de grandes restrictions financières dues à la défection d'un investisseur, le tournage s’est magnifiquement bien passé sans un seul jour de dépassement. Pour moi, c'est important que chaque plan, chaque séquence soient minutieusement réfléchis mais je rappelle toujours pourtant aux équipes que ce n'est 'que du cinéma'. J'essaie d'introduire cette notion d'humour et de plaisir en évitant les conflits, les rapports de force et tout ce qui peut rappeler la mauvaise odeur de l’âme. J'ai mis beaucoup de temps et de travail dans ce film (trop sans doute, 8 années dont 1 année en postproduction !) mais cela me permet de répéter aussi à l’infini : « heureusement que c’est dur de faire des films, parce que si en plus c’était facile, ça serait vraiment « dégueulasse !!! »
Un grand merci à l'équipe de MauRéfilms pour ces précieuses informations, et un grand merci à Yvan Le Moine, le réalisateur, pour son oeuvre.
Un mot sur l'auteur
Développeur web à La Réunion, créateur de Cine974.
https://nathan.re
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